Ingénierie pour une pédagogie différenciée

Je parle ici de mes attentes, besoins et choix en matière de conception de documents pédagogiques interactifs et j’explique pourquoi, en l’état, aucun produit existant à ma connaissance (y compris Wooflash, un des plus avancés) ne me donne satisfaction. Je montre comment je tente de palier le manque de solutions dédiées.

Différents types de ressources pédagogiques

Voici un petit inventaire, non limitatif, des différents types de ressources utilisées habituellement dans mon domaine d’enseignement, l’informatique à l’université.

  • Ressources explicatives. Ce sont les documents de cours donnant qui introduisent des concepts, des notions, des méthodes, sous la forme d’explications, illustration, définitions, exemples, comparaisons etc.
  • Ressources d’entraînement. Ce sont des énoncés d’exercices, éventuellement complétés de corrigés et / ou solutions, se présentant par exemple sous la forme de sujets de travaux dirigés.
  • Ressources applicatives. Ce sont des sujets de travaux pratiques et de projet ayant pour objet de mettre en application les notions théoriques abordées dans les ressources explicatives et les ressources d’entrainement.
  • Ressources d’auto-évaluation. Ce sont des QCM, flashcards et autres formes de tests interactifs (ou éventuellement sur papier) permettant aux personnes apprenantes d’évaluer leur niveau d’acquisition de tout ou partie des connaissances et compétences couvertes par le programme des enseignement concernés.
  • Ressources d’évaluation certificatives. Ce sont les sujets d’examen et de contrôle continu donnant lieu à une évaluation par des enseignants ou enseignantes et permettant de certifier les compétences acquises par les personnes apprenantes.

Organisation classique des ressources pédagogiques

Traditionnellement, les enseignantes et enseignants en informatique créent et exploitent des documents explicatifs (supports de cours), des documents d’entrainement (sujets de TD), des documents d’application (sujets de TP et de projet). Ces documents sont des entités séparées, pouvant être réalisées avec différents outils tels que Word, LibreOffice, LateX.

Chaque type document est exploité dans un cadre pédagogique spécifique : cours magistral, séance de TD, séance de TP, de manière généralement synchrone et simultanée, i.e. tous les élèves participant à une séance font la même activité à un moment donné.

Ajout de ressources d’auto-évaluation

La manière la plus simple de faire évoluer l’enseignement traditionnel frontal simultané (et participatif) pour fournir aux élèves et aux personnes enseignantes des indicateurs de progression des élèves, et pour faciliter la progressions des élèves en leur permettant de revenir sur les compétences mal maîtrisées jusqu’à acquisition complète, consiste à ajouter aux ressources classiques des ressources d’auto-évaluation.

C’est ce que Wooflash permet de faire. La personne enseignante utilisatrice crée des tests à l’attention des personnes apprenantes utilisatrices. Ces ressources restent à l’intérieur du système Wooflash, dont l’accès n’est possible qu’aux personnes utilisatrices inscrites. La personne enseignante a accès à un suivi détaillé des tests réalisés par les élèves, indiquant notamment les succès et échecs aux différentes questions. Les élèves sont invités à refaire régulièrement les tests dans lesquels ils ont commis des erreurs, et même des autres selon le principe de la répétition espacée.

Intégration de ressource explicatives dans les ressources d’auto-évaluation

Mon idéal pédagogique est de permettre à chacun et chacune de mes élèves de progresser à son propre rythme, au mieux de ses capacités. Cela suppose que chaque élève ait une certaine autonomie dans son d’apprentissage, et nécessite de sortir du schéma classique de l’enseignement frontal simultané.

Une piste possible est d’utiliser Wooflash comme une ressource d’auto-apprentissage en plus d’une ressource d’auto-évaluation. Le principe consiste à créer des parcours d’apprentissage alternant des fiches explicatives et des tests. En effet, les capacités d’édition de Wooflash permettent de réaliser des fiches comportant du texte formaté, des images, du code, et même des équations.

Mais utiliser Wooflash – dans sa version actuelle à la rentrée 2021 – pour construire des document pédagogiques complets comportant des ressources explicatives, des ressources d’entraînement et des tests d’auto-évaluation, pose plusieurs problèmes.

  1. La structure des tests est « compartimentée », au sens où la navigation dans la série de questions et fiches constituant un test n’est pas continue. On ne peut revenir sur des fiches ou question en utilisant un ascenceur ou une molette de souris. Un retour arrière est possible à l’aide d’une barre de progression, mais reste peu pratique. Une seule fiche ou question peut être affichée à un moment donné. On a pas le confort de navigation d’une page WEB ou d’un document pdf, par exemple.
  2. Les ressources placées par la personne enseignante dans Wooflash doivent être créées dans l’application. Il est bien sûr possible de réaliser des copier-coller de textes, images, codes, mais il n’y a pas de réelles possibilités d’importer des documents markdown, par exemple.
  3. Les ressources placées dans Wooflash ne peuvent être facilement exportées, par exemple en pdf, markdown ou html afin d’être exploitées à l’extérieur de Wooflash. Or la réalisation de ces ressources peut représenter un temps de travail considérable – plusieurs centaines d’heures – surtout dans le cas d’une utilisation comme matériel pédagogique complet.
  4. Les ressources placées dans Wooflash ne sont accessibles qu’aux personnes inscrites à la fois à Wooflash et au cours concernés. Une personne enseignante ne peut donner un accès public, de type « vitrine », à tout ou partie des ressources qu’elle a créée.

Au regard de ces inconvénients, j’ai renoncé à l’utilisation de la plateforme Wooflash pour réaliser des parcours pédagogiques interactifs complets. J’ai également renoncé aussi à créer des ressources séparées d’auto-évaluation parce que cela augmenterait trop mon temps de travail. J’ai opté pour une autre approche que je vais maintenant détailler.

Création de parcours d’apprentissage interactifs

Le principe adopté consiste à intégrer dans des fichiers au format markdown les ressources explicatives, les ressources d’entraînement, éventuellement certaines ressources d’application, et des ressources d’auto-évaluation.

Le cours est décomposé en plusieurs parties. Le document de base de chaque partie est un fichier markdown qui est subdivisé en au moins trois sections :

  1. Une section explicative qui alterne des présentations explicatives et des exercices de découvertes : présentation explicative – exercice de découverte, présentation explicative … L’idée est de proposer un ou plusieurs exercices de découverte, aussi simples que possible, après avoir introduit chaque nouvelle notion ou nouveau concept ou nouveau principe, ou nouvelle méthode, etc.
  2. Des exercices d’assimilation qui permettent à la personne apprenante de s’appropier, à son propre rythme, le contenu de la section explicative et de monter en compétence. certains de ces exercices peuvent se présenter sous forme de QCM ou suite de questions appelant une réponse courte.
  3. Des exercices de consolidation qui s’adressent à une partie seulement du public suivant l’enseignement, à savoir les personnes qui souhaitent aller au delà des compétences objectif et qui ont le temps et la volonté de le faire.

Des balises spécifiques permettent d’insérer dans le document markdown :

  • À la suite, de chaque exercice d’assimilation, une solution et les explications de la démarche qui y conduit.
  • À la suite de chaque exercice d’assimilation, un ou plusieurs indices suivis d’une solution. Les indices jouent un rôle fondamental dans le processus d’apprentissage en permettant, au besoin, d’adapter le niveau de l’exercice à celui de la personne qui le traite et par là même de lui éviter d’être bloquée par un exercice trop difficile et donc contreproductif.

Le document markdown pourra facilement être exporté dans différents formats, en particulier :

  • WordPress pour la mise en ligne des ressources pédagogiques. Dans ce cas, les solutions et indices des exercices seront masqués (grâce à un module d’extension de WordPress interprétant les balise dédiées) et seront révélés que si la personne apprenante clique sur un bouton.
  • Le format pdf pour pouvoir imprimer une version papier du document permettant sont utilisation en enseignement en présence par des élèves ne disposant pas d’ordinateur portable ou autre tablette. Dans ce cas, les solutions et indices ne sont pas inclus dans le document pdf. En effet, dans une situation d’enseignement en présence, c’est la personne enseignante (ou la personne apprenante qui en tient le rôle) qui fournit les indices et solutions adaptés au besoin de chaque élève.

Un contrat moral est proposé aux personnes utilisatrices de ces ressources : « Si j’ai besoin d’un indice pour traiter un exercice, ou si ma solution n’est pas correcte, alors je dois identifier l’origine de mes difficultés, revenir sur les explications afférentes, et refaire cet exercice après un délai de un à au plus une dizaine des jours ».

L’intérêt de ressources centralisées au format markdown est que ce matériel est facilement réutilisable, exportable en de nombreux formats, et permet de pérenniser l’énorme investissement en temps de travail que représente sa conception et sa réalisation.

En l’état, ma solution ne permet pas d’assurer le suivi des élèves. Cela pourrait être réalisé, par exemple, en développant une extension spécifique pour WordPress.