Lors des confinements de 2020, les élèves, les enseignants et les enseignantes se sont retrouvés dans l’obligation de travailler à distance et cela a souvent été perçu comme une contrainte et une dégradation des conditions de travail. Il est est ressorti, dans la communauté enseignante, une sorte de consensus souvent clairement défavorable à ce mode d’enseignement. Mais les circonstances ne se prêtaient pas à une évaluation impartiale. Les enseignants et enseignantes ont dût s’adapter dans l’urgence à une situation complètement nouvelle et beaucoup n’ont pas pu faire mieux que reproduire à distance les pratiques d’enseignement en présence.
Or, à bien y réfléchir, le téléenseignement présente certains avantages par rapport à l’enseignement en présence, je veux dire en plus de son intérêt sanitaire en période épidémique.
Meilleure qualité de vie
Comparons 2 journées types d’un de mes étudiants de deuxième année :
En présentiel : réveil à 6h30 le matin, attente dans le froid et la nuit, voyage dans des rames de tramway bondées, cours frontal en amphithéâtre, TD et TP dans des salles bondées où l’enseignant parvient à peine à circuler entre les rangées de tables. Et en période épidémique, tout cela en portant un masque toute la journée.
En distanciel : 45 minutes de sommeil en plus, pas de déplacement, plus d’espace pour travailler, 45 minutes de temps libre supplémentaire le soir. Et en période épidémique, tout cela sans avoir à porter un masque.
Ressources pédagogiques plus variées
La plupart de mes étudiantes et étudiants ne disposent pas d’un ordinateur portable léger, pratique, performant, et tenant la charge toute une journée. Donc la grande majorité des enseignements se font dans des salles où le seul équipement hors tables et chaises se résume à un tableau, un écran et un vidéoprojecteur. Cela limite les activités asynchrones – celles où chaque élève peut travailler à son propre rythme – à ce qui peut se faire avec des documents imprimés, du papier et des crayons. On passe donc à coté de l’opportunité de faire des activités pédagogiques asynchrones sur ordinateurs.
C’est particulièrement frustrant quand vous enseignez la programmation en langage C et C++ et que sur 55 heures en classe, chaque élève a seulement 16 heures de travaux pratiques, sur des ordinateurs partagés par deux personnes !
L’enseignement à distance peut permettre de pallier une telle indigence de moyens en permettant à chaque élève d’utiliser un ordinateur de bureau disponible à son domicile, où à défaut (pour les rares personne n’ayant aucun équipement informatique) avec un ordinateur prêté. Cela ouvre l’accès à des activités asynchrones telles que :
- l’utilisation de vidéos pédagogiques pouvant être mises en pause à tout moment (ce qui change RADICALEMENT l’expérience d’apprentissage comparé à une vidéo visionnée par un groupe d’étudiants en simultané),
- la réalisation de tests d’autoévaluation interactifs,
- la recherche de ressources documentaires et leur visualisation en couleur,
- l’utilisation d’environnements de développement (pour apprendre à coder),
- l’utilisation de simulateurs de toutes sortes, etc.
Meilleures conditions de travail
L’une des calamités de l’enseignement en présence est le bruit de fond produit par les discussions intempestives qui qui crée une ambiance de travail peu propice à la concentration des élèves, mais aussi des enseignantes et enseignants. Ce problème disparaît en en situation de téléenseignement.
D’autre part, lors des cours en amphithéâtre, les élèves disposent d’une très petite surface pour poser leurs documents et autre matériel d’apprentissage et d’un siège au confort douteux. En salle banalisée, chaque élève dispose d’un peu plus d’espace mais les conditions son plus proches de celles d’un voyage en train que celles d’un travail à domicile dans une ambiance chaleureuse, avec la possibilité de prendre un thé ou un rafraîchissement, de faire occasionnellement quelques pas, regarder par la fenêtre, sans compromettre l’efficacité et la productivité de votre travail. Au contraire, faire une petite pause de quelques minutes deux fois par heure peut être un bon moyen de rester vigilant et concentré sur le long terme.
L’importance de proposer un choix
Les inconvénients du téléenseignement sont bien sûr liés à l’isolement physique. Il règne au sein de certaines cohortes d’étudiantes et d’étudiants une ambiance de camaraderie qui me semble être propice à l’apprentissage, que ce soit en posture individuelle ou en groupe. C’est la raison pour laquelle je pense que le téléenseignement, ou plus précisément le téléapprentissage, qu’il soit complètement ou partiellement à distance (par hybridation avec l’apprentissage en présence) doit être librement consenti. Je défends l’idée de donner autant que possible aux apprenants et apprenantes le choix de travailler à distance, en particulier lorsque les conditions de travail en présence sont très loin d’être idéales, comme c’est le cas dans les universités, particulièrement lorsque qu’elles sont dégradées par des contraintes sanitaires drastiques comme c’est le cas au moment où j’écris ces lignes.