Lors du premier confinement de 2020, nous sommes passés en enseignement à distance du jour au lendemain, sans préparation. Un téléenseignement de crise à été improvisé et beaucoup d’enseignants, d’enseignantes, d’étudiants et étudiantes ont dit « ça ne marche pas ». D’aucuns en ont profité pour dézinguer l’idée même de manière assez sentencieuse : « L’enseignement à distance, ça ne fonctionne pas, un point c’est tout ! ».
À la rentrée du deuxième semestre, l’enseignement à distance nous est à nouveau imposé. Cette fois ci j’ai décidé de ne pas le subir, mais au contraire de le considérer comme une opportunité de proposer une pédagogie que j’espère plus efficace que ce que je peux faire en présence, spécialement au regard les conditions difficiles dans lesquelles nous travaillons dans l’établissement où j’enseigne (manque d’espace, de matériel), et qui sont encore dégradées par le port du masque. Voici les principes que je souhaite appliquer pour relever ce challenge.
Enseignement asynchrone
Tous les étudiants et toutes les étudiantes suivant une même unité d’enseignement n’ont pas le même bagage initial et ne peuvent pas progresser à la même vitesse. Je veux donc donner la possibilité à chacun et à chacune de progresser à son propre rythme, au mieux de ses possibilités. Comment ? En proposant un matériel pédagogique adapté : documents, vidéos « self contained », pouvant être exploités avec une certaine autonomie. L’enseignant joue le rôle d’un accélérateur et d’un facilitateur d’apprentissage. Il répond aux demandes d’assistance émanant des étudiantes et étudiants et aux questions posées sur des canaux de privés ou publiques (visibles par les autres étudiants).
Les interventions synchrones de l’enseignant – c’est à dire s’adressant simultanément à un groupe entier, voire à toute la promotion pendant les séances de CM (cours magistraux) – sont de courte durée (généralement pas plus de 20 minutes) pour laisser aux élèves le temps de « digérer » les contenus.
Pédagogie différenciée
Quelles que soient leur motivation et la quantité de travail qu’ils fournissent, tous les étudiantes et les étudiants ne peuvent pas atteindre les mêmes objectifs dans le temps impartit (environ 14 semaines). Il faut donc aider chacun et chacune à définir les objectifs les plus ambitieux qu’il ou elle est en mesure d’atteindre de manière à lui permettre d’optimiser son temps de travail.
Cette aide peut prendre la forme d’indicateurs et de conseils fournis aux élèves sur la base de questionnaires, de résultats d’évaluation ou encore d’entretiens individuels.
Autoévaluation
Les évaluations formatives sont primordiales pour donner aux élèves des informations, des indicateurs leurs permettant d’identifier les objectifs atteints et ceux qui restent à atteindre. Idéalement, il faudrait que de telles évaluations soient organisées régulièrement et soient corrigées par des enseignants ou enseignantes. Mais au regard des effectifs attendus cette année et de la charge de travail des enseignants-chercheurs impliqués, je vais opter pour des autoévaluations en supplément des contrôles continus certificatifs.
Quelles formes donner à ces autoévaluation ? La plus évidente est le test de type questionnaire à choix multiples et autres variantes de questions pouvant être corrigées automatiquement. Le problème est que cela ne permet pas d’évaluer certaines compétences telle que l’aptitude à produire un résultat complexe (programme, analyse, démonstration…).
Une autre approche que je vais utiliser est de demander à chaque élève s’il ou elle a réussi à traiter un exercice particulier, s’il ou elle a eu besoin d’aide, d’assistance pour traiter cet exercice, s’il ou elle pense être capable de traiter sans aide d’autres exercices faisant intervenir les mêmes notions. Pour distinguer ces informations de celles fournies par des tests automatisés, j’utiliserai le terme auto-appréciation. Il peut bien sûr y avoir des biais (excès de confiance ou manque de confiance en soi), qui peuvent être en partie corrigés en comparant les auto-appréciations et les évaluations corrigées par des enseignants, que j’appellerai évaluations certifiées.
Suivi des élèves
Les enseignants doivent disposer d’un tableau permettant de suivre la progression de chaque élève. Sur ce tableau doivent apparaître les objectifs intermédiaires et les niveaux d’acquisition des compétences associées, en distinguant les origines de ces informations : auto-appréciation, auto-évaluation ou évaluations certifiées.
Chaque élève doit avoir accès à la partie de ce tableau de suivi qui le ou qui la concerne. Ces informations peuvent lui permettre d’organiser son travail en identifiants les objectifs prioritaires, les points sur lesquels il ou elle doit revenir, les exercices qu’il ou elle doit tenter de refaire, et aussi de passer en revue les objectifs atteints en se posant les questions telles que « suis-je toujours capable de faire cela ? », « dois-je réessayer pour m’en assurer, pour entretenir mes acquis ? »
Les enseignants et enseignantes peuvent exploiter ce tableau de suivi pour aider les élèves à optimiser leur temps de travail en concentrant leurs efforts sur les objectifs les plus adaptés à leurs acquis et à leur vitesse d’apprentissage.