Archives mensuelles : octobre 2015

Plaidoyer pour un enseignement asynchrone

classe
L’archétype de l’enseignement synchrone est celui dispensé en salle de classe, à l’école ou au collège. Tous les enfants d’un même âge sont censés acquérir les mêmes compétences à la même vitesse. Il reçoivent simultanément les mêmes explications et font en même temps les mêmes exercices, dans toutes les matières enseignées.

Dans l’enseignement supérieur, beaucoup d’enseignements sont en grande partie basés sur ce modèle synchrone, notamment en ce qui concerne les cours magistraux, les séances de travaux dirigés et les évaluations. Depuis plusieurs années, j’essaie une autre approche que je présente de manière synthétique dans ce poster consultable en ligne.

Examens : la rapidité doit-elle être déterminante ?

examenLors de mes études universitaires, j’ai eu le sentiment que la plupart des examens que j’ai passé étaient des épreuves de rapidité. Plus que la difficulté intrinsèque des exercices proposés, c’est bien souvent le temps attribué pour les résoudre qui me posait problème.
Une telle sélection par la vitesse est-elle une bonne chose ? A mon avis, tout dépend de la nature des compétences évaluées ! Si la rapidité est critique pour ces compétences, alors elle doit l’être au cours des entraînements et des examens associés. Dans le cas contraire, les candidats devraient bénéficier d’un temps suffisant pour traiter confortablement les exercices proposés dès lors qu’ils maîtrisent les compétences évaluées, ce qui implique qu’une partie significative d’entre eux devrait avoir terminé l’épreuve avant le temps réglementaire.
Pendant très longtemps, j’ai utilisé la rapidité comme variable s’ajustement pour doser la difficulté de sujets d’examens que je concevais. Mais depuis que j’ai articulé mes enseignements et mes évaluations autour d’une grille de compétences, il y a quelques années, j’ai radicalement changé d’approche : je considère qu’un examen doit être une évaluation sommative permettant de déterminer ce que chaque candidat sait et ne sait pas faire au regard des compétences évaluées.
Si par exemple une des compétences à évaluer était « savoir traduire un algorithme en un programme en langage C à une vitesse minimum de 3 lignes par minutes », alors je pénaliserais à l’examen les candidats qui codent moins vite. Mais si la compétence est « savoir traduire un algorithme en un programme en langage C » sous-entendu en prenant le temps qu’il faut pour le faire bien, alors je vais faire mon possible pour que des étudiants qui codent aussi bien mais à des vitesses différentes aient la même note. L’idée est « tu sais faire ou tu ne sais pas faire, mais si tu sais faire, tu as largement le temps de le faire ».
En pratique, il faut évidemment fixer des limites. Je pense qu’un facteur deux entre le temps d’exécution des candidats les plus rapides et le temps accordé à tous peut être considéré comme raisonnable. Autrement dit, dans le cas d’une épreuve de deux heures, parmi les candidats maîtrisant les compétences évaluées, les plus rapides devraient avoir terminé en une heure.
Un tel critère d’évaluation est-il réaliste au regard des besoins des entreprises ? A mon avis oui. J’ai travaillé en entreprise pendant plusieurs années avant de devenir universitaire et il m’est arrivé de sélectionner des candidats en vue du recrutement de nouveaux collaborateurs. Comme une réminiscence de cette époque, je me demande parfois lesquels de mes étudiants je recruterais sur un poste en recherche et développement. Et la réponse est : pas les plus rapides, mais ceux qui prennent le temps d’analyser un problème à résoudre et de considérer différentes pistes susceptibles (ou pas) de conduire à une solution. La qualité du raisonnement est plus importante que la rapidité et une tendance à aller trop vite finit souvent par être contreproductive.
Ce principe, en revanche, ne me semble pas applicable aux concours. Le but d’un concours n’est pas de valider des compétences mais de classer des candidats. La rapidité est alors un moyen pratique de différencier ceux ayant donné les mêmes réponses. Mais comment prendre en compte ce critère lorsque la qualité des réponses est différente ? Je n’ai pas de réponse, n’ayant jamais été amené à concevoir des épreuves de concours.

Remarque : Les idées que je défends dans ce billet reflètent mes opinions personnelles et n’ont pas la prétention d’être des vérités universelles. Il est tout à fait possible qu’elles ne soient pas partagées par tous les enseignants. Il faut se garder de tenter d’imposer une pensée unique en matière de pédagogie.